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Avant propos

Ce blog a pour but de relater notre court mais intensif voyage au Turkménistan durant le printemps 2012.
Nous ne prétendons pas avoir tout compris de ce pays étrange et magnifique. Nous avons essayé de simplement relater nos impressions.

Prologue

Après notre voyage au Yunnan au printemps 2011, nous avions décidé à contre cœur que c'était notre dernier grand voyage. Cette décision avait été guidée par notre âge principalement. Nous projetions de faire désormais de tout petits voyages comme une visite de Bruxelles, Bruges ou Leningrad.
Mais voilà, la veille de la fin d'année 2011, Vincent  avec qui nous étions allés au Yunnan, nous téléphone pour nous souhaiter ses vœux et nous propose, quelle surprise, un voyage ouvreur au Turkménistan.
Chassez le naturel, il revient au galop! Exit notre décision précédente, nous nous portons volontaires sans hésiter.
Nous vérifions que nos passeports sont encore valides et en envoyons la photocopie à Vincent pour qu'il prenne vite les billets d'avion les moins chers. Le cours du baril de pétrole ne cessant de grimper, les prix  flambent.
Vincent nous explique que pour le Turkménistan, il est plus facile d'obtenir les visas su place que d'en faire la demande en France. Il suffit simplement d'avoir une lettre d'invitation d'un organisme de tourisme au Turkménistan, avec les adresses successives de notre séjour dans le pays et la présenter à notre arrivée pour obtenir le visa.
Bien que dubitatifs, nous le croyons sur parole.
C'est lui qui s'occupe de demander cette lettre d'invitation qui va être longue à obtenir.
Voilà, on est déjà parti dans notre tête bien que le voyage ne soit prévu que le 23 Mars 2012 jusqu'au 5 Avril.

Les préparatifs

Vincent doit nous envoyer dans quelques jours un aperçu de notre itinéraire. Nous nous plongeons sur Internet pour faire connaissance de ce pays. Les rares blogs de voyage que nous y trouvons ne sont pas trop élogieux quant au régime politique de ce pays qui est décrit comme une dictature obscure. Par contre les descriptions des sites archéologiques comme Merv ( site de l'Unesco ) nous donnent l'eau à la bouche. Ce pays de plus de 400 000 km2 est composé essentiellement de déserts. les quelques photos glanées sur les blogs nous promettent des paysages éblouissants.
Un bref aperçu des températures de ce pays au climat continental nous montre que la période choisie par Vincent est idéale: plus très froid et pas encore très chaud. On aura même la chance de voir des fleurs dans le désert!
Il nous faut maintenant un guide de voyage pour mieux s'imprégner du pays. Il en existe très peu consacrés uniquement au Turkménistan. Le guide du routard, le Petit Futé ou même Lonely planet l'englobent dans un guide consacré à la route de la soie, en fait l’Asie centrale avec l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan, le Kirghizstan. Notre fils Matthias à qui on a fait part de notre projet, réussit à se procurer une guide anglais uniquement dédié au Turkménistan. Il s'agit du Brads écrit en 2005 par un ancien ambassadeur anglais dans ce pays. Il l'achète dans un magasin du Vieux Campeur  à Paris et nous l'expédie aussitôt.
Même s'il date un peu, cet ouvrage nous en apprend beaucoup. Il nous faut maintenant une carte détaillée.
Là encore les cartes existantes englobent tous les pays de la route de la soie et ne sont pas assez précises. Certes de telles cartes existent mais elles sont en russe (le Turkménistan ayant été une république soviétique jusqu’en 1991) et hors de prix.
Nous nous rabattons finalement sur une carte Freytag & Berndt  de l'Asie centrale au 1/1 500 000.
Las, victimes d'une présentation trompeuse, nous nous retrouvons certes avec une carte plus précise que les autres mais amputée d'un bon tiers ouest du Turkménistan, le seul pays qui nous intéresse!
Dans le courant du mois de Janvier nous recevons de la part de Vincent l’itinéraire du futur trajet:



Les lignes rouges représentent les trajets en voiture, le trajet en bleu représente un trajet en train.
Muni de cette carte nous essayons de reconnaître les lieux sur Google Map ou sur notre carte d Freytag & Berndt.
La tache n'est pas aisée car les noms de lieu s'orthographient de manière différente selon la langue (française ou Anglaise). Le plus terrible c'est que les noms diffèrent carrément d'une carte ou d'un site à l'autre. Nous apprendrons sur place que nombre de noms de villes ont été changés durant les 10 dernières années.
Malgré toutes ces embuches nous commençons à nous faire une idée sur les lieux que nous allons visiter.
Il va nous falloir faire beaucoup de route (3500km) en 4X4 car elles sont parait-il en mauvais état.
Je vais donc me droguer à la cortisone pour supporter cela. Pourvu qu'il n'y ai pas de contrôle anti dopage! .

Comme l'année dernière nous nous rendons en Suisse au vieux nouvel an (voir notre blog sur le Yunnan). Outre Vincent, Andrey et Brigitte, nous y rencontrons Jacques un de nos futurs compagnon de voyage.
Courant Février Vincent nous fournit les billets électroniques. Nous voyageront sur Turkish Airlines.
- Aller le 23 Mars Paris Istanbul puis Istanbul  Achgabat avec 3h d'attente à Istanbul
- Retour le 5 Avril  Achgabat Istanbul  puis Istanbul Paris avec 1h20 d'attente à Istanbul.
Je pense que pour le retour le délai de correspondance est un peu court mais Vincent nous assure que non. On verra!
On prend dons nos billets de TGV pour Paris.
Aller le 21 Mars et retour le 11 Avril. Ce qui nous permettra de profiter de notre fils.
Au début du mois de Mars nous recevons enfin la lettre d'invitation, sésame pour les visas ainsi que les dernières recommandations de Vincent:
Il n'y a aucun guichet automatique bancaire au Turkménistan et seul le change de dollars (et encore dans les grandes villes) est permis.
Il nous faut donc prévoir assez de dollars pour la nourriture, les guides les chauffeurs, les faux frais. Il faut surtout se réserver assez de ces devises pour pouvoir acheter un billet d'avion Achgabat Istanbul en cas de problème. Nous commandons donc les dollars à notre banque.
Vincent nous dit aussi que la censure est telle qu'il n'est pas possible se servir de nos portables pour téléphoner en France. Je décide de prendre le mien. On ne sait jamais. Il peut au moins m'être utile à Istanbul en cas de problème.
Quant à Internet il ne faut même pas y penser. Le seul fournisseur d'accès local a fermé ses portes sur ordre du gouvernement il y a quelques mois. Ce n'est pas grave mon mobile n'étant pas un smartphone, on ne sera pas beaucoup pénalisé.
Pour les amis ou parents à qui on parle de notre voyage les réactions sont de deux types:
- C'est où et pourquoi là ?
- Ce n'est pas trop dangereux?
Nos voisins Chantal et Alain nous invitent à dîner quelques jours avant le départ. On a l'impression que l'on ne se reverra plus.
Chantal promet même de continuer à s'occuper des chats, du jardins et des fleurs même s'il nous arrive un problème.
Nous, nous ne sommes pas du tout inquiets mais excités.




21 Mars Départ pour Paris

Voilà c'est le jour de notre départ à Paris.
Vous me direz le départ pour le Turkménistan est prévu pour le 23 Mars et vous partez le 21?
Et bien oui. On a préféré prendre un peu de marge au cas où (grève de la SNCF, annulation ou retard du train).
J'en connais qui seraient partis le 23 et encore juste avant le départ l'avion.
De plus notre train étant à 14h, nous sommes à la gare TGV dès 12h. On ne se refait pas!
On a laissé notre véhicule dans un parking payant à la gare pour 3 semaines. Espérons qu'on le retrouvera le jour de notre retour à minuit!
Le train part et arrive à Paris à l'heure. Notre fils nous y attend. Il a pris une demie journée de congé pour nous aider à porter nos valises. L'ascenseur de son immeuble est en panne et il y a 7 étages à monter.
La chance nous sourit car l'ascenseur vient juste d'être réparé.
Nous profitons de notre fils le reste l’après midi. Le lendemain nous passons faire une petite visite à mon oncle et ma tante (Régis et Michou) qui habitent Ermont dans le 95.

23 Mars Départ pour Achgabat

Il est 11h45. Nous sommes à l’aéroport de Roissy , Terminal 1. L'avion ne décolle qu'à 14h mais nous sommes déjà prêts à partir.
Nos bagages ont été enregistrés. On doit les récupérer normalement à Achgabat. Cet  aérogare est triste à mourir. Je comprend sa mauvaise réputation vis à vis des voyageurs étrangers. On arrive à trouver tant bien que mal un marchand de journaux ainsi qu'un semblant de restaurant où on déjeune pour passer le temps.
Vers 13h15 on se dirige vers la salle d'embarquement où nous retrouvons nos 3 compagnons de voyage.
- Jacques est un pharmacien à la retraite de Clermont Ferrand. Il semble rompu aux voyages. Son prochain,  dans un mois doit le mener en solitaire en Corée du Nord. Il semble qu'avec le Turkménistan il s'offre un palier de compression comme disent les plongeurs sous-marins.
- Jean Yves et sa femme Frédérique sont originaires de Troyes dans l'Aube. Je n'ai pu  deviner et n'ai pas demandé leurs professions. Eux aussi sont des habitués des voyages (Thaïlande, Bolivie, Indonésie...) mais avec porteurs à ce que je crois comprendre!
L'embarquement s'effectue rapidement comparé à Air France et l'avion décolle à l'heure.
Le voyage de 3h35 jusqu'à Istanbul s'effectue sans problèmes. Un repas acceptable nous aide à passer le temps. Il nous est par contre difficile de dormir, classe économique oblige!
Contrairement à 'avion de China Southern Airlines l'année dernière, le film proposé est récent. Mais le Tintin de Spielberg ne m’intéresse pas vraiment.
Bref nous arrivons à Istanbul à 20h heure locale. L'aéroport est immense et bruyant.Après un contrôle des bagages à main nous nous réfugions dans une grande salle où Jacques nous offre une bière en guise de bienvenue. On papote deux heures. Jean Yves nous abreuve d’anecdotes de voyage. Voilà il va être l'heure d'embarquer. Il nous faut  traverser tout l'aéroport pour rejoindre la salle d'embarquement pour Achgabat.
Si on doit faire le même trajet en sens inverse pour le voyage du retour il ne faudra pas que le vol Achgabat Istanbul ait trop de retard.
Dans la salle il y a beaucoup de femme turkmènes, de maîtresse femmes même. Elles se débrouillent pour passer devant tout le monde. C'est inutile car on se retrouve tous dans un bus en direction de l'avion. Pendant que ce dernier roule (pas l'avion mais le bus), les femmes commencent à enlever chacune un grand nombre de foulards qu'elles avaient sur la tête ainsi que des gilets qu'elles fourrent dans de grands sacs. Ce stratagème leur a permis d'éviter que ces sacs ne se retrouvent en soute lors de l'enregistrement.
Au moment d'embarquer, une de ces matrones bouscule tout le monde et commence à disperser ses sacs dans tout l'avion, y compris dans les compartiments réservés aux premières classes, avant d'aller s'assoir à l'arrière.  Ces femmes gagnent leurs vies en revendant au Turkménistan des vêtements qu'elles achètent beaucoup moins cher à Istanbul.
Bref l’embarquement est rapide et encore une fois l'avion part à l'heure. Les 3h40 de vol ne sont pas trop pénibles. Devant nous il y a un groupe d'ouvriers pakistanais qui se saoulent au whisky. Vite bourrés, ils se mettent à parler fort malgré les injonctions de l’hôtesse de l'air. Heureusement ils s'endorment très vite.
On sent qu'on a quitté l'occident. Les communications des hôtesses ne sont font plus qu'en turc et en turkmène et quelques fois en anglais quand même.
Un nouveau repas nous aide à passer le temps.
Il est 5h du matin, heure locale. Nous voilà arrivés à destination. L'aéroport d’Achgabat est minuscule à côté d'Istanbul ou Roissy.
Le contrôle des bagages à main s'effectue sans problème. Nous nous précipitons au guichet des visas pour y arriver avant les pakistanais qui sont une bonne vingtaine. Comme toujours on choisit la mauvaise file. On tombe sur un débutant qui mélange les noms dans les visas. Heureusement le blanco universel est là ainsi que son expérimenté collègue pour le sortir de ce mauvais pas. Malgré ce petit incident, l'obtention des visas est rapide. Vincent avait raison, la lettre d'invitation est un sésame. Nous n'avons aucun papier à remplir. Il nous faut simplement payer 100$ chacun pour le visa.
Nous passons ensuite à la police des frontières. Là non plus aucun problème. Pour un pays très fermé, l'entrée s'est avérée facile.
Rien à voir avec l'entrée aux États Unis, flambeau de la démocratie, où on vous fait remplir un questionnaire vous demandant si vous n'allez pas tuer leur président ou si vous n'avez pas le SIDA.
Je n'ose paspenser non plus au pauvre turkmène qui arrive en France, surtout s'il est un peu basané.
Nous récupérons nos valises qui sont toutes là et retrouvons Vincent qui est arrivé 3 jours auparavant ainsi que notre guide local francophone Batir.
Batir nous demande si nous avons amené des cartouches de cigarettes comme Vincent nous l'avait demandé. Hélas pour lui Vincent avait oublié de nous en parler. Il est très désappointé car les cigarettes sont très chères au Turkménistan. Nous donnons chacun 200$ à Vincent pour la caisse commune qui servira aux frais de séjour. Le change s'effectue dans l'aéroport, . 1$ équivaut à 3 manats, le manat étant la monnaie locale. Nous embarquons ensuite dans un minibus pour notre hôtel.

24 Mars Nisa

Il est 6h du matin lorsque nous arrivons au Grand Turkmène Hôtel, un 5 étoiles s'il vous plait.
Vincent nous accorde un repos jusqu'à 9h avant une visite de la ville et de Nissa.
Harassés nous pensons que nous n’arriverons pas à nous endormir.
9h du matin, le téléphone sonne. C'est Vincent qui nous sort d'un profond sommeil.Il y a eu comme une ellipse!
Pendant que Jackie prend sa douche, j'allume la télévision. Une des chaines montre en boucle le président du Turkménistan parlant à ses généraux. Les autres chaînes débitent comme chez nous des soap opéras édifiants.
J'éteins vite et file prendre moi aussi une bonne douche.
Nous rejoignons la salle du petit déjeuner qui jouxte un casino. Il y a beaucoup de touriste iraniens, fortunés je suppose. Les femmes ne sont pas voilées.
Il y avait en fait quelques jours auparavant.la fête du Norouz ou fête du printemps. Norouz est célébré depuis au moins 3 000 ans et est profondément enraciné parmi les rituels et les traditions du  zoroastrisme.
Le petit déjeuner est vraiment classe: café, lait, viennoiseries, fruits....
Nous partons maintenant en minibus vers Nisa l'ancienne cité Parthe classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette citadelle en ruine à une quinzaine de km d’Achgabat est située au pied de la chaine de montagnes du Kopet Dag qui sépare le Turkménistan de l'Iran.
On voit en arrière plan les montagnes encore enneigées.La route qui serpente dans les collines au second plan constitue un chemin de santé qui parti d'Achgabat se termine ici. Initié par Niyazov, l'ancien président dictateur, il est d'après notre guide Batir, toujours beaucoup emprunté par les turkmènes qui viennent s'y ressourcer.
François Mitterrand a visité Nisa en 1994 en compagnie de Bouygues. Il était venu dans le pays pour finaliser d'importants contrats de construction avec le dictateur Niyazov. Comme il était déjà malade et qu'il boitait, on avait bâti exprès un escalier avec marche haute puis marche basse successivement  pour qu'il puisse monter dans la citadelle.
Est-ce Mitterrand qui accompagné Bouygues ou l'inverse? Toujours est-il que les liens avec la dictature ne se sont jamais distendus. Le mois dernier, Sarkozy a envoyé au nouveau dictateur un télégramme de félicitations pour la fête du drapeau.
Nisa fut la capitale des Parthes (247 av. J.-C. – 224 ap. J.-C.). Ces derniers, contemporains et ennemis des romains pratiquaient le zoroastrisme. La citée construite en briques crues n'a pas conservé sa forme d'origine. Les murailles qui entouraient la ville ont carrément fondu à cause des pluies et du soleil et ressemblent maintenant à de petites collines.
Les Parthes avaient choisi ce lieu près des montagnes où ils disposaient de l'eau qui en descend et d'immenses forêts qui ont disparu surtout depuis l'occupation des russes au XIX ème siècle. ces derniers ont eu besoin de beaucoup de bois pour réaliser la ligne de chemin de fer qui traverse le pays. Ça c'est ce que dit notre guide. Peut-être aussi que le climat était plus clément il y 2000 ans.
Pour remédier à cette déforestation Niyazov, toujours lui, a ordonné la plantation dans le pays de 60 millions d'arbres. Les arbres ont bien été plantés mais les trois quarts sont déjà mort par manque d'eau.

 Le centre de la cité dispose encore de murs mieux conservés et d'espèce de ruelles.

Il y avait beaucoup de tours qui ont été détruites lors du grand tremblement de terre de 1948.
Il n'y a pas eu réellement de fouilles ou de rénovations si ce n'est les russes ou les italiens qui ont essayé de remonter des piliers à l'ancienne.
Aujourd'hui il n'y a pas âme qui vive et pourtant nous sommes un samedi, jour chômé au Turkménistan. Ni archéologue ni touristes à part nous.
Quand je dis "ni archéologue" c'est à moitié faux car Batir nous a présenté un ami à lui comme étant l'archéologue en chef. Celui-ci nous a suivi pendant toute la visite sans piper mot (ni en turkmène ni en russe ni en anglais). Au moment du départ il nous a vendu un lot de photos de Nisa. Je pense qu'en fait ce n'était pas un archéologue mais un marchand. Je me trompe peut-être.

24 Mars Retour à Achgabat

Nous reprenons notre minibus pour retourner à Achgabat. La route est en fait une superbe autoroute à 4 voies. Il y a beaucoup de camions iraniens. Le trafic entre les deux pays a l'air important. En approchant de la ville, on voit beaucoup de gens qui nettoient leur voiture. Ça nous étonne beaucoup. Batir nous explique que c'est obligatoire d'avoir en permanence son véhicule propre. Tout contrevenant risque une forte amende. Et dire que nous sommes dans un désert avec beaucoup de poussière et peu d'eau. On fait plus attention, suite à ses explications précédentes, à la multitude d'arbres, en majorité des cyprès ou des pins, grillés sur le bord de la route. Vers 13h nous nous arrêtons dans un restaurant russe L'Altyn Dan  où on mange du bortsch ainsi que du bœuf avec des légumes arrosé de bière russe très peu forte. Le prix est correct pour ce menu.Cependant  à 12$  par personne,  il ne doit pas y avoir beaucoup de turkmènes, dont le revenu moyen est de 300$ par mois, qui peuvent se l'offrir.On ne s'attarde pas trop car on a encore plein de choses à voir et c'est notre seul jour à Achgabat.
Achgabat ou Bouygues City signifie "ville de l'amour" selon la légende qui évoque une sorte de remake de Roméo et Juliette.Elle est aussi appelée ville blanche à cause de ses nombreux immeubles en marbre blanc.
Peuplée d'un peu moins d'un million d'habitants (le cinquième de la population), elle s'est bâtie au XIX ème siècle sur les ruines d'un ancien village. Elle a été détruite en 1948 par un violent tremblement de terre qui a tué 170 000 personnes ,14 000 selon la police, pardon les soviétiques.
Depuis environ 20 ans, elle voit surgir chaque année de nouveaux bâtiments officiels tous plus grandioses et bizarres les uns que les autres.
Voilà le ministère de l'information en forme de livre ouvert parait-il
 Nous voilà de nouveau au centre ville. Après un bref passage à l'hôtel nous allons boire un café turc chez Carli. Le café est très bon. En fait l'endroit fait salon de thé et pâtisserie. Il est très prisé de la population aisée et des expatriés qui viennent tromper leur ennuie ici.Effectivement un groupe de Français débarque avec des enfants. Si c'est la seule distraction du coin, ils vont vite grossir!
Nous partons visiter un peu la ville à pied . La traversée des carrefours est assez aventureuse. Malgré les passages cloutés, les automobilistes ne se soucient pas des piétons. Je dirais même plus, ils leurs foncent dessus! Les voitures sont en majorité des voitures d'occasion, surtout des japonaises, achetées dans les émirats arabes. Il y a très peu de véhicules russes comme les Lada que l'on retrouvera plus fréquemment en dehors de la capitale.
On passe devant un marché. C'est un ancien marché couvert russe investi par les turkmènes depuis l'indépendance. Il y a beaucoup d'étals de fruits et de légumes et énormément de monde.
Les femmes turkmènes sont grandes et minces. Dans leurs longues robes traditionnelles et presque moulantes qui descendent jusqu'au chevilles, elles sont magnifiques. Dommage que leurs chaussures en plastique ne soient pas à la hauteur. Les femmes turkmènes mariées portent un foulard sur la tête et les jeunes filles célibataires se reconnaissent à leurs tresses et un petit chapeau. Les femmes russes ou les jeunes turkmènes libérées sont habillées à l'occidentale, bien souvent en jeans, parfois même en mini jupe. Dommage qu'il soit interdit de prendre des photos dans ce marché. On ne brave pas l'interdit car il y a beaucoup de policiers qui déambulent. On se rattrapera sûrement dans des villes plus petites.
Nous atteignons la place de l'indépendance où se trouve le monument du même nom.

La hauteur de 118m de ce monument  commandée par Niyazov a été calculée de la façon suivante: 91 m pour l'année de l'indépendance (1991) plus 27m pour le jour (27 octobre). Heureusement que ce n'était pas le 1er Janvier 2000 car elle n'aurait fait qu'un mètre!
Elle est gardée par 5 vaillants guerriers représentant chacun une des tribus fondatrices. Voici l'un d'eux.
Devant la colonne qui se visite, mais seulement par des personnes de haut rang, il y a deux vrais gardes immobiles. Il doivent rester ainsi deux heures. Ce doit être les punis de la caserne. Je ne sais pas pourquoi, mais eux on a le droit de les prendre en photo.
Nous descendons ensuite une esplanade déserte avec de nombreuses fontaines et de grands immeubles d'habitation couverts de marbre blanc.
Ces immeubles sont en grande majorité inoccupés car les prix sont inabordables pour le commun des turkmènes.
De plus à cause du régime, les gens ont peur de s'endetter jusqu'au coup et se voir un jour spolier de leur bien parce que le gouvernement en aura décidé ainsi. Ces immeubles vont rapidement se délabrer si ce n'est pas déjà le cas. Construits pour la plupart par des entreprises turques, respectent-elles les normes anti sismiques dans cette région soumise à de fréquents tremblements de terre? Rien n'est moins sur.
Bouygues a-t-il aussi respecté ces règles pour tous les bâtiments qu'il a réalisé?
Pour construire ces quartiers, l'état a déplacé tous les habitants qui y vivaient  pour les reloger en périphérie de la ville dans des maisons individuelles. A cause de ces immeubles Achgabat est aussi surnommée "la ville fantôme".
Cet ensemble de monuments, de fontaines et d'esplanades est, il faut bien l'avouer, très beau.
L'esplanade que nous traversons est absolument déserte.
Batir nous explique que tous les premiers dimanches du mois, il y a là un grand marché aux pastèques et que c'est noir de monde. Il y a même de la musique et les gens dansent. On ne le croit qu'à moitié.
Au bout de cette esplanade se trouve une statue énorme de l'inénarrable Niyazov.avec à ses pieds les aigles à 5 têtes représentant, comme c'est bizarre, les 5 tribus fondatrices.
 On ne voit pas le meilleur. Jusqu'à ces dernières années, il y avait au centre ville un monument gigantesque "L'arche de la neutralité". L'arche célèbre la reconnaissance le 12 Décembre 1995 par les Nations Unies, de la neutralité du Turkménistan, au même titre que la Suisse.
Cette fusée, surmontée évidemment d'une statue de Niyazov , tournait avec le soleil. Mais voilà, elle faisait de l'ombre au nouveau président Gurbanguly Berdimuhamedov qui a ordonné en 2010 son transfert hors du centre ville. Le transfert a coûté plus cher que sa construction. Pour une fois Bouygues n'était pas dans le coup. C'est un concurrent turc qui a fait et défait.Voir l'article de Wikipedia intitulé  Arche de la neutralité
Sur la photo de Wikipedia et derrière l'arche on aperçoit encore un monument délirant en forme de boule noire. Il s'agit du monument du tremblement de terre de 1948. Un taureau agite la terre entre ses cornes. Au dessus, une mère mourante sauve un enfant doré de la catastrophe. Il s'agit bien évidemment du petit Niyazov qui ne pouvait avoir qu'un grand destin!
Un peu plus loin se trouve un ensemble équestre dédié à la célèbre race de chevaux turkmènes les "Akhal-teke". Au pied du monument, l'inévitable Niyazov.
On passe ensuite devant un monument étrange dédié au Ruhnama.
Le Ruhnama est le livre du grand tout que cet illuminé de Niyazov a écrit pour son peuple bien aimé. Il prétend expliquer le monde, de l'agriculture à l'éducation en passant par la médecine.
On pourrait en rire si le dictateur n'avait pas imposé son livre dans l'enseignement comme seule source de savoir.
Évidemment  Bouygues s'était empressé de faire traduire en français ce livre édifiant pour gagner avec succès de nouveaux marchés.
Pour les incrédules voici un lien qui vous permettra de connaitre la portée de cet ouvrage: Ruhnama
Il paraît qu'en certaines occasions, le livre s'ouvre. Cependant vue la taille du bouquin, les moteurs qui permettent ce prodige se grippent. Les occasions se font rares!
Voici une vidéo sur les rapports de Bouygues et Niyazov qui se passe de commentaires.
Vincent nous emmène ensuite dans un petit café branché, le "Sim-Sim" où on va se boire une petite bière du même nom. Les tables sont à l'ombre dans un petit jardin et il y a de la musique rock. Vincent nous explique que c'est là qu'il passe une partie de son temps quand il est à Achgabat. C'est l'endroit branché des jeunes de la capitale. Comme il commence à se faire tard, on décide de dîner dans ce lieu plaisant. Jackie  mange du poisson avec des légumes et moi une grande salade.
Nous rentrons vers 21h. Après une bonne douche, nous nous endormons immédiatement.

25 Mars En route pour Nokhur

Après une nuit de sommeil dense, on prépare nos bagages. Nous partons aujourd'hui pour Nokhur dans les montagnes du Kopet Dag..
J'en profite pour prendre en photo depuis la chambre un des nombreux palais présidentiels.
Ce n'est pas pour la beauté du cliché, mais comme c'est interdit de le prendre en photo depuis la rue..
 Hier matin nous avons donné nos passeports à la réception ainsi que deux photos chacun. On récupère les passeports ainsi qu'un beau papier vert du ministère du tourisme. C'est le sauf conduit qui va nous permettre de pénétrer dans les zones frontalières normalement interdites au tourisme.
Après un petit déjeuner aussi copieux que celui de la vieille, nous embarquons dans trois 4X4. Ces véhicules vont être les nôtres pendant tout le voyage.
Deux de nos chauffeurs sont frères et turkmènes. Il s'agit de Vapa le grand frère et Ouch le plus jeune.  Le troisième, Serguei est turkmène aussi mais fait parti de la minorité russe.
A cinq plus Batir, on ne va pas être serré. Afin de ne pas s'enfoncer dans l'habitude,Vincent propose que l'on change régulièrement de véhicule. Lui et Batir viendrons alternativement se joindre à nous.
C'est parti, le clermontois et Batir dans la voiture de tête, Jackie et moi dans le véhicule du milieu, les troyens et Vincent dans le véhicule de queue.
Une des voitures transporte tentes, duvets et matériels de picnic, les autres nos bagages.
En quittant la ville, je m’aperçois qu'à chaque carrefour, il y a une guérite avec un policier dedans. Même si les pandores ont un air débonnaire, on sent bien que la surveillance est permanente.Il paraît que dès 22h les rues sont désertes.
Après les beaux quartiers clinquants, on traverse les faubourgs où vivent les vrais gens dans de vrais immeubles.
Chaque immeuble est surmonté d'un grand nombre de paraboles (une par appartement). Le gouvernement a bien essayé d'en interdire l'installation. mais devant la grogne de la population, il a renoncé à son projet. Toute dictature ayant sa faiblesse, les turkmènes peuvent donc échapper à la propagande officielle et voir ce qui se passe dans le monde qui les entoure.
On s'arrête à une station service pour faire le plein. L'essence est à 1$ pour 5 litres. De plus chaque turkmène a droit à 150l d'essence gratuits par mois. C'est ainsi que la paix sociale est garantie! Le gaz est aussi gratuit ainsi que l’électricité et les denrées de première nécessité comme le sucre. Il y a la queue à la station car les pompes ne sont pas en libre service.
Après notre premier contrôle de police qui se passe sans encombre, nous arrivons à la mosquée de Turkmenbashy Ruhy à côté de Gypjak, le village natal de Niyazov. Le tremblement de terre a tué sa mère et ses deux frères.
A côté du cimetière où reposent de nombreuses victimes de ce désastre, Niyazov a fait construire une mosquée qui est la plus grande d'Asie centrale.
Cette mosquée construite par Bouygues pour la bagatelle de 160 millions d'euros, beaucoup plus selon les mauvaises langues, peut accueillir 20 000 fidèles (13 000 hommes et 7 000 femmes). Elle dispose d'un immense parking souterrain pouvant accueillir 100 autocars et 400 voitures. Plaquée de marbre de carrare, tant qu'à faire, elle est flanquée de 4 minarets de 91 m. Cette hauteur ne vous rappelle rien? Mais oui bien sûr, c'est la date de l'indépendance du pays en 1991. La coupole est recouverte d'or.
Le cadre où est implantée la mosquée est magnifique.
L'intérieur, protégé par les deux traditionnels gardes immobiles, n'est pas mal non plus. Il faut le reconnaître.
Hélas on ne peut pas faire de photos. L'intérieur est vide évidemment, comme dans toutes les mosquées. Il y a un immense tapis à 5 branches au sol, un des plus grands du monde d'après notre guide. Le rez de chaussée est réservé aux hommes, les femmes ne sont pas installées derrière mais sur un balcon qui fait le tour de la salle.
La grande particularité de cette mosquée est qu'il  y a des versets et des morceaux choisis du Ruhnama écrits en nouveau turkmène c'est à dire en alphabet latin.
Un peu à cause de l’éloignement, de la capitale, beaucoup à cause de ce sacrilège, la mosquée n'est pas du tout fréquentée. Il n'y a jamais eu de prières dans cette mosquée!
Avec une partie des bénéfices réalisés sur la Mosquée, Bouygues a offert à Niyazov un mausolée à la mémoire de sa mère et ses frères. A sa mort, ce mausolée est devenu le sien aussi.
Dans les mêmes tons que la mosquée, il est aussi protégé par deux gardes immobiles et on ne peut en photographier l'intérieur.
Dans un espace vide, il y a une crypte dans laquelle reposent les quatre sarcophages de la famille Niyazov. Celui du père mort pendant la guerre en 1943, ceux de sa mère et ses deux frères morts lors du tremblement de terre de 1948 et le sien.
C'est bizarre mais son sarcophage n'est pas différent des autres. Il est presque simple! Il n'y a pas le tombeau de sa femme.
Dès qu'il a été élu président, Niyazov a envoyé sa femme et ses enfants à l'étranger. Ses enfants ne sont revenus qu'à son enterrement et sont aussitôt repartis.
Nous repartons pour nous arrêter de nouveau sur les ruines de la forteresse de Geok Depe, haut lieu de la résistance turkmène contre l'envahisseur russe au XIX ème siècle.
Cette forteresse a été le dernier bastion des tribus turkmènes rassemblées contre le général Skobelev. Celui-ci n'y est pas allé par quatre chemins. Il a envoyé une équipe de sapeurs qui a fait exploser la forteresse. Au moins 6500 turkmènes ont été ensevelis dans les décombres et près de 8000 on été occis à l'extérieur pendant leur fuite.
A côté du cimetière des martyrs, notre Niyazov national a fait construire une mosquée. Pas tant pour commémorer la bataille que de célébrer son premier pèlerinage à la Mecque. Elle s'appelle d'ailleurs la mosquée Sapamurat Hadji. Hadji veut dire pèlerinage.
Et qui a bien pu construire cette mosquée. Bouygues évidemment. Enfin pas entièrement car les fondations avaient été faites par une société turque.
Ceci dit encore une fois, le bâtiment ne manque pas de charme. Il est moins tape à l’œil que la mosquée précédente.
Après la porte d'entrée il y a une court intérieure très aérée avec des versets du coran en arabe. Est-elle plus fréquentée, je n'en suis pas sûr.
Voilà nous reprenons la route. On traverse une grande étendue normalement désertique mais occupée par des plantations de coton très clairsemées. Le sel de la nappe phréatique saumâtre est remontée à la surface.

 Nous nous arrêtons dans un petit restaurant au bord de la route, une espèce de relai routier où nous mangeons des brochettes.fort honnêtes.
Nous quittons maintenant la route principale qui menait à Turkmenbashi sur la mer Caspienne et filons vers les kopet Dag. La route suit une rivière ombragée où de nombreux turkmènes pique niquent. C'est Dimanche, ils font comme la plupart des français.
Nous nous arrêtons nous aussi dans un coin ombragé pour prendre notre premier café ou plutôt Nescafé que l'on a pris soin de ramener de France. Nous avons récupéré l'eau chaude à l'aide de nos thermos dans le restaurant précédent.
La route commence à monter et le paysage devient de plus en plus aride. Au bout de quelques heures nous atteignons les faubourgs de Nokhur où se trouve la maison des gens qui nous accueillent pour la nuit.
C'est une grande maison traditionnelle avec sa tonnelle et sa parabole.

25 Mars Nokhur

Nous déposons vite nos affaires pour aller visiter une cascade parait-il très belle, plus haut dans la montage.
C'est bien nous ça. Pas plutôt partis que nous nous arrêtons devant le cimetière du village. Les tombes sont très curieuses. Celles des hommes sont surmontées de cornes de bouquetins.
Batir nous explique que les gens de cette tribu se proclament descendant d'Alexandre le grand. Comme parait-il les soldats de ce dernier portaient sur le casque de telles cornes, les hommes perpétuent la tradition à leur mort. C'est un peu fumeux comme explication. Peut-être sont-ce les cornes des cocus!
Les tombes des femmes sont plus sobres et se contentent d'étoffes chamarrées.
On dirait à voir le cimetière que les hommes meurent plus que les femmes!
 Monsieur Matthias Jullien. de Paris, nous appelle au sujet des tombes avec des cranes de bouquetins et que l'hypothèse d'Alexandre le Grand c'est des salades
Pas du tout.Alexandre le Grand en turkmène se dit : "Isgender Zülkarneýn",terme qui descend de l'arabe "Al-Iskandar Dhû-l-Qarnayn" (nom que l'on trouve  par exemple dans le coran (sourate dite de la caverne))
En arabe, "qarn" signifie, entre autres, corne.la boucle est bouclée
Comme quoi on en apprend tous les jours!
Nous continuons à grimper jusqu'à la cascade. Il y a encore des névés et le fond de l'air est frais.Du thym citron fort odorant pousse dans cette steppe. La piste traverse des rivières que les véhicules, vue la pente, auront des difficultés à franchir en redescendant.
Nous arrivons enfin à la cascade qui n'est en fait qu'un mince filet d'eau. Le paysage est minéral.

Dans ce coin désolé et loin de tout, Vincent pousse un cri de joie. Avec son I phone il vient de se connecter à Internet pour la première fois depuis son séjour au Turkménistan.. Merci l'Iran qui n'est pas loin. Il décide que lors de prochains voyages ,cet endroit sera catalogué comme cyber café et qu'un picnic y sera organisé.La descente au village est un peu plus périlleuse. Nous sommes obligés de mettre des cailloux dans la rivière pour que l'avant des véhicules ne s'encastre pas sur la berge.

De retour à la maison d'hôte, nous sommes assaillis par les enfants de la famille. Un des garçons veut à tout prix que je l'enregistre sur mon dictaphone numérique.
Les plus petits on amené des agneaux pour qu'on les prenne en photo.


Nous faisons ensuite une distribution de calissons d'Aix que nous avons dans nos bagages. Ils sont très appréciés. Ça nous permet de nous échapper et de visiter un peu la maison.
Au rez de chaussée, il y a une salle de bain sommaire mais avec de l'eau chaude. Comme le gaz est gratuit, le tuyau d'eau traverse un chauffe eau maison avant d'aboutir sur une douche rudimentaire mais qui fonctionne.
A l’étage, après la tonnelle,l'avant entrée de la pièce principale se trouve le réchaud à gaz bien évidemment.
La pièce principale qui sert de salle à manger est immense. La table est déjà mise. Dans le fond ronronne un poêle à gaz qui carbure à plein régime. Il fait très chaud dans la pièce.
On se déchausse avant d'entrer. Les chambres de la maison sont immenses et dépourvues de meubles.
En fait ces pièces sans meubles sont très utiles lors d'un mariage où l'on doit accueillir de nombreux invités. La nôtre est sans fenêtres. mais avec télé. Nous aurons de simples futons comme matelas. Ce devrait être suffisant.
Après un moment de repos nous rejoignons la grande salle où nos hôtes nous ont concocté un fort joli repas. Au menu du "plov" une espèce de riz pilaf, des boulettes de viande avec un bouillon et des légumes.
J'ai quand même du mal à m'assoir en tailleur. Heureusement nos hôtes sont charmants et nous donnent des coussins. Je continue mon repas à la romaine.
Après le repas nous sommes allés visiter le reste de la famille dans une maison voisine. Il n'y avait que des femmes très chaleureuses  avec des bébés jumeaux qui ont adoré se faire photographier.
Dans un coin, une dame un peu plus âgée tisse de la soie sur un métier rudimentaire.
On reconnait bien sur ces photos les femmes mariées avec un foulard sur la tête et les jeunes filles, fort belles au demeurant, avec les cheveux libres.
Certaines des femmes mariées et notamment la tisseuse se couvrent la bouche en notre présence.Dans cette région, la femme mariée qui vient comme c'est l'usage vivre dans sa belle famille, ne doit pas, si le beau père l'exige, montrer sa bouche aux étrangers.
Seul ce dernier peut la dispenser, lorsqu'il le juge opportun, de cette obligation. Si tel n'est pas son souhait, la femme devra attendre la mort du beau père. Notre guide n'a pu nous expliquer l'origine de cette pratique plus que macho que nous ne retrouverons pas ailleurs dans la suite de notre voyage. Est-ce une version édulcorée du tchador? Je n'ai pas pu trouver d’explication sur Internet. Le mystère demeure.
Nous regagnons notre chambre vers 21h. Il fait vraiment trop chaud dans la maison. Vincent demande à notre hôte de baisser un peu le poêle.Ce dernier s'exécute mais dès que Vincent gagne sa chambre, il s'empresse de remettre le chauffage plein pot. Nos hôte doivent être frileux car ils dorment tout contre ce poêle, une fois la table débarrassée.
J'ai du mal à m'endormir avec cette chaleur et le manque d'aération de la chambre. Enfin j'ai du mal pendant cinq minutes!





26 Mars Route pour Dekhistan

Nous nous réveillons, Jackie et moi vers 5h30 du matin, parfaitement reposés. Sans faire de bruit nous descendons à la salle de bain prendre une douche.
Celle ci est très agréable car le chauffe eau marche en permanence.
Nous sommes en pleine forme, le soleil commence à se lever mais pas question de faire une balade dans le village sans réveiller tous les chiens du quartier.
Au loin un âne braie puis un autre. En écoutant mieux on s’aperçoit que c'est le muezzin qui appelle à la prière.
On regagne notre chambre en attendant l’heure du petit déjeuner.
Vers 7h tout le monde s'ébroue et vient l'heure du petit déjeuner tant attendu.
Nos hôtes se sont mis en quatre: confiture, œufs brouillés excellent, fromage..
La collation terminée, nous prenons congé de ces charmants villageois. Direction l'oasis de Dékhistan à 480 km de là, dans le sud ouest du pays où se trouvent les ruines de l'ancienne cité Misirian qui a duré plus de 3000 ans et qui s'est éteinte au XV ème siècle. Un trajet de 7h nous attend s'il ne pleut pas et que la piste devienne impraticable.
Aujourd'hui, comme prévu nous changeons de véhicule. C'est l'ainé des frères turkmènes qui conduit. Il parle un tout petit peu anglais mais chose extraordinaire, très bien le chinois qu'il a appris à l'école.
Comme la vie est difficile au Turkménistan, il va souvent en chine pour acheter du matériel informatique et le revend dans son pays. De ce fait il parle parfaitement, d'après Vincent, le mandarin.
Pas plutôt partis, nous nous arrêtons à la sortie du village pour admirer un platane multicentenaire.

Le réseau de distribution de gaz est constitué de tuyaux qui courent à l'air libre tout le long de la route. Ils sont souvent dans un état vétuste. Batir nous explique qu'il vaut mieux qu'ils ne soient pas enterrés car c'est plus facile de réparer les fuites. Il suffisait d'y penser! D'autant que des fuites, il y en a. On voit souvent des petits geysers qui s'échappent. Dès que le tuyau rencontre une route ou un chemin, il fait comme un portique pour laisser passer les véhicules.En voilà un exemple caractéristique:
Dans cette région 80% des voitures sont des Opel Vectra. On n'en a jamais vu autant de notre vie. J'ai l'impression que celle que nous avions était une voiture turkmène.
Pour nous faire plaisir, le chauffeur nous met une cassette. On a droit à Vanessa Paradis, Joe Dassin, Sting;. Après ça devient plus supportable avec des musiques de danse ouzbèkes, turques, turkmènes.
Après avoir traversé des kilomètres de champ de coton, il est l'heure de faire une petite pause Nescafé au bord du canal du Karakum.
Quand on pense que cette eau va finir pas se perdre un peu plus loin dans le désert car le canal n'arrive pas jusqu'à la mer Caspienne.
Nous reprenons notre route dans le désert. Ce n'est pas un désert de dunes mais un désert assez minéral avec beaucoup d'arbustes de saxaoul. Ce dernier a la particularité d'avoir des racines qui descendent à plusieurs dizaines de mètres pour trouver de l'eau. Batir nous raconte que les turkmènes plantent des graines de melon dans ces racines pour pouvoir disposer de son eau.
Nous arrivons à Serdar la ville natale de Batir. C'est une ville moyenne de 60 000 habitants. Notre première halte est la station service. Les voitures ont soif. L'ancien nom de la ville était Gizilarbat ce qui veut dire "belle femme". Évidemment  Niyazov est passé par là et a renommé la ville comme tant d'autres.
Comme tant d'autres aussi, elle est parsemé de nombreux panneaux de propagande avec le portrait du nouveau président et futur dictateur. Je trouve qu'il a un petit air de Ben Ali, l'ex de Tunisie.
Batir nous dit que c'est la seule ville où il y a une église catholique du pays. En effet, au XIX ème siècle il y avait une importante colonie polonaise qui participait à la construction du chemin de fer transcaspien.
Nous partons ensuite au marché. Il nous faut faire des courses pour deux jours car ce soir nous campons à Dékhistan. C'est un marché à moitié couvert où on vend de tout. Les gens sont très chaleureux et veulent tous qu'on les prenne en photo.


On tombe sur l'inévitable flic qui nous ordonne de cesser de prendre des photos. Évidemment on obtempère. Pour se venger on se divise en groupe de deux. Il a du mal  à choisir lequel suivre.
Les chauffeurs ont acheté du poulet, une marmite et des condiments pour le faire mariner. Vincent et Batir ramènent eux du super bon pain, des oranges, des bananes, du  fromage, du saucisson de poulet, de la confiture,etc. Je pense qu'on ne mourra pas de faim!
Et voilà on repart après avoir acheté une cargaison de bouteilles d'eau.
Nous roulons maintenant sur une petite route après avoir quitté l'axe Achgabat Tukmenbashi. En haut d'une côte, on tombe devant un décor minéral magnifique avec au loin les montagnes qui marquent la frontière avec l'Iran. Le sol est rempli de trous d'où sortent de petits rongeurs, les "sousliks" que nous avions tant attendus lors de notre voyage sur le transsibérien.
Il y a un aigleroyal énorme avec une tache blanche sur chaque aile  qui tourne dans le ciel. Attention à vous les sousliks!
En plein désert on tombe sur un contrôle des passeports. Au bout d'un quart d'heure les militaires nous laissent repartir. C'est parait-il le dernier poste avant la frontière iranienne. Les militaires turkmènes ne sont pas armés, du moins ce qu'on voit aux postes de contrôle. La coercition , car il en faut une dans une dictature, n'est vraiment pas visible. C'est curieux!
Il est maintenant l'heure de manger, on s'arrête pour le picnic. Les chauffeurs ont amené des tables et des chaises faciles à monter. Le coin bien qu’aride est parsemé de coquelicots et des tulipes.

Après ce petit repas, nous reprenons la route sur des airs de musique turkmène.Nous traversons une zone où des centaines de tortues se baladent partout et même sur la route. Les chauffeurs doivent constamment faire des zigzag pour les éviter. Heureusement qu'il n'y a personne d'autre sur la route.Intrigués, nous nous arrêtons pour aller les observer. Il s'agit de petites tortues semblables à des tortues de Hermann mais plus petites.Il semblerait qu'elles soient en période de reproduction. La preuve cette petite danse nuptiale.
Dans cette région, le paysage change très souvent. Ici des collines surmontées d'une plaque sombre qu'on dirait bâtie par l'homme.

Un peu plus loin un désert presque blanc avec des formations qui ressemblent à des pyramides.

 Encore un peu plus loin un canyon en formation. On ne peut s'approcher trop près tant le sol est friable.


En fait, il n'y a pas eu besoin d'une grande pente pour que l'eau creuse ce canyon. En période de pluie, elle attaque directement le sol très friable pour le faire s'écrouler par pans entiers.
Si on continue à s'arrêter chaque fois qu'un nouveau paysage à couper le souffle apparait, on n'est pas rendu!
Au détour d'un virage, un espace vert avec une femelle dromadaire et son petit gardés par deux enfants.
De nouveau, on a droit à un contrôle de police. Faudrait pas confondre avec un contrôle de l'armée hein!
Ce contrôle comme les précédents ne pose aucun problème. La route se transforme maintenant en piste plus que précaire. Au bout de plusieurs heures on arrive dans le village de Shahman perdu au bout du monde. On se demande de quoi les gens peuvent vivre ici. Vincent parle d'y instaurer une nuit chez l'habitant lors de ses futurs voyages. Les rues sont complètement défoncées par les intempéries. Même nos 4X4 ont du mal à avancer. Il nous faut près d'une heure pour traverser ce hameau. Lorsqu'il pleut cela doit être dantesque!
Enfin au bout d'une dernière heure de piste, au coucher du soleil, nous apercevons les ruines de Dékhistan. Le spectacle est vraiment magique.

Nous nous installons en dehors du site archéologique interdit au camping, non loin de la seule maison du coin.
Pendant que nous montons les tentes, les chauffeurs ont allumé un feu de bois et font cuire le poulet acheté le matin même.
Les tentes igloo pour deux personnes sont très faciles à monter. Il suffit de les lancer en l'air et elles s'installent toute seule. Il en est de même pour les matelas auto gonflants. Il est loin le camping de notre jeunesse avec les piquets, les sardines, les doubles toits...Vincent a même prévu des duvets.C'est le luxe.
Les chauffeurs nous offrent la vodka en guise d'apéritif. Au moment de passer à table, deux chiens venus d'une ferme située à des kilomètres de là viennent quémander les os du poulet, fort bon au demeurant.
Le repas terminé, après avoir observé quelques instants un ciel dépourvu de toute pollution lumineuse, nous nous glissons dans nos tentes respectives. Le sommeil est un peu long à venir car les chiens mêlent leur voix à celles des chacals.